A bout de souffle
L’amour est à bout de souffle, perdu entre la
préciosité des sentiments révolus et les espoirs lointains d’une rencontre
merveilleuse qui transcendera toutes les autres. Qu’elle les repousse aux
tréfonds de l’oubli, où aucun souvenir ne subsiste jamais. En attendant, le
présent est imprégné de cette instance de la mémoire qui brille par son
absence. L’esprit vit en suspension, comme si en un jour encore récent tout
s’était arrêté temporairement, dans la négation des vrais sentiments, ceux qui
font mal lorsqu’ils deviennent ridicules. La vie et ses désillusions l’ont
rendu possible, et même facile, comme d’entendre une mélodie de jadis qui
viendrait d’une profonde et rassurante réminiscence. Aucune raison de
s’inquiéter donc. Quelque chose d’impalpable poursuit son cours, sans qu’on
s’en mêle, qui fera qu’un jour, bientôt, cette suspension va reprendre
forme : un visage, un trésor. Éternel celui-ci ? Je veux dire, pour
de vrai, pas comme le dernier…
Elle connaîtra les mots et leurs valeurs, ne les
prononcera pas en vain. Elle saura en faire des mélodies, de sa voix qui
chantera dans mon cœur. Elle en fera des idées qui seront siennes, qu’elle
n’aura pas empruntées. Ensemble nous embrasserons ce grand tourbillon, que
devient la vie quand elle s’anime en nous. Nous serons tout, l’un pour l’autre,
et rien d’autre n’importera.